L’idéal serait que chacun puisse trouver dans son pays la possibilité de vivre dans la dignité mais quand cela n’est pas possible, il faut respecter le droit de tout être humain de trouver un lieu où il puisse non seulement répondre à ses besoins fondamentaux et à ceux de sa famille mais aussi se réaliser intégralement comme personne.
Vis-à-vis des personnes migrantes, nos efforts peuvent se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.
Accueillir l’autre de tout son cœur lui permet d’être lui-même et lui offre la possibilité d’un nouveau développement. Les migrants bien intégrés sont une bénédiction, une richesse et un don. Exemples : la culture des Latinos est un ferment de valeurs aux Etats-Unis, la forte immigration italienne a marqué la culture en Argentine ainsi que la forte présence de Juifs à Buenos Aires.
A l’image de Jésus qui disait à ses disciples : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Mt 10,8), le Pape encourage à accueillir l’étranger même si, sur le moment, il n’apporte aucun bénéfice tangible. Les nationalismes fondés sur le repli sur soi voient le migrant comme un usurpateur et croient erronément qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres. La vraie qualité des différents pays du monde se mesure par cette capacité de penser non seulement comme pays mais aussi comme famille humaine, particulièrement dans les moments critiques.
Il n’est possible d’accueillir celui qui est différent et de recevoir son apport original que dans la mesure où je suis ancré dans mon peuple. Chacun aime et prend soin de sa terre, comme de son pays, de sa maison. Cela se fonde sur le sens positif du droit de propriété. Je protège et je cultive quelque chose que je possède de telle sorte que cela puisse être une contribution au bien de tous.
Pour les migrants arrivés depuis quelque temps et intégrés à la société, il est important d’appliquer le concept de pleine citoyenneté et de renoncer à l’usage discriminatoire du terme « minorités » qui prépare le terrain à la discorde.
Les Etats devraient collaborer pour élaborer une législation globale relative aux migrations, notamment en établissant des projets à moyen et à long terme qui aillent plus loin que la réponse d’urgence. Tout en aidant les migrants dans leur pays d’accueil, il convient de favoriser le développement des pays de provenance dans le respect de leur indépendance et de leur culture. Nous devrions nous inquiéter des personnes et des peuples qui n’exploitent pas leur potentiel ni leur beauté à cause de la pauvreté ou d’autres limites structurelles, ce qui nous appauvrit tous. Nous avons besoin d’un ordre juridique, politique et économique mondial susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples. … cela suppose qu’il faut également accorder aux nations les plus pauvres une voix opérante dans les décisions communes.
La fraternité universelle et l’amitié sociale (locale) constituent partout deux pôles inséparables et coessentiels. Ce qui est global nous préserve de l’esprit de clocher et ce qui est local nous fait marcher les pieds sur terre.
L’universel ne doit pas être l’empire homogène, uniforme et standardisé d’une forme culturelle dominante unique.
Le particularisme local ne doit pas se recroqueviller sur quelques idées, coutumes et sécurités, incapable d’une ouverture sincère et avenante à l’universel. Une culture sans valeurs universelles n’est pas une vraie culture.
Une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité. Une culture vivante ne copie pas ou ne reçoit pas simplement mais intègre les nouveautés « à sa façon » et forme ainsi une nouvelle synthèse. Le monde croît et se remplit d’une beauté nouvelle grâce à des synthèses successives qui se créent entre les cultures ouvertes, en dehors de toute imposition culturelle.
La communauté mondiale n’est pas le résultat de la somme des pays distincts, mais la communion même qui existe entre eux. Cela suppose qu’aucun peuple, aucune culture ou personne ne peut tout obtenir de lui-même. Les autres sont constitutivement nécessaires pour la construction d’une vie épanouie. La conscience d’avoir des limites ou de n’être pas parfait, loin de constituer une menace, devient l’élément-clé pour rêver et élaborer un projet commun.
Car « l’homme est tout autant l’être-frontière qui n’a pas de frontière » (George Simmel).
Le groupe de réflexion autour de l’encyclique Fratelli tutti
Relire les textes précédents sur la lettre encyclique: 1, 2, 3