« Mes pensées ne sont pas vos pensées. »

Oui, nous ne pensons pas comme Dieu ! Est-ce que dans la logique des choses de donner autant à celui qui vient d’être embauché qu’à celui qui a travaillé toute la journée ? Voilà une parabole qui ne laisse personne indifférent. Elle peut agacer des patrons qui trouvent la situation irréaliste, irriter des travailleurs qui trouveraient cela trop facile, révolter des chrétiens qui pensent que d’autres pourraient aller au ciel sans avoir fait tout ce qu’ils ont fait de bien. « Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi je suis bon » dit le Maître à celui qui lui fait des reproches.
En recherchant le véritable sens, cette belle parabole peut réjouir ceux qui verront d’abord la générosité et la bonté de Dieu.

La justice distributive voudrait que les premiers embauchés reçoivent plus que les derniers.

Or ce n’est pas le cas. Ils reçoivent le salaire convenu ; ils ne sont donc pas lésés. Mais ils récriminent et se révoltent. Leur réaction évoque ce que nous vivons quotidiennement dans les petites choses comme dans les grandes, comme humains ou comme chrétiens. Elle évoque aussi notre ignorance de Dieu ou la non-coïncidence des pensées de Dieu avec les nôtres. Nous ne pourrons qu’être blessés, humainement parlant, parce que nous ramenons tout au niveau de nos mentalités, de nos cultures et traditions, de nos ambitions.

Comme chrétiens, par exemple, nous serons tentés de faire valoir des droits sur d’autres, parce que nous pensons faire plus qu’eux. Nous regardons le sort des autres et nous devenons envieux ou prétentieux. Nous passons à côté de cette pureté de cœur, dont parle Jésus, pour voir ce que Dieu leur demande ou leur a donné, ce qui leur convient le mieux. Nous nous comparons aux autres, nous en devenons chagrins ; la vie nous devient pesante et notre vie chrétienne un lourd fardeau à traîner.

C’est la révolte du prophète Jonas devant la tendresse et la pitié du Seigneur qui l’envoya en mission à Ninive, une ville perverse et païenne. Jonas a entrepris un combat intérieur pour ajuster ses pensées à celles de Dieu et accepter la gratuité et l’universalité de l’amour, de la miséricorde et de la bonté de Dieu. Une gratuité, un amour, une miséricorde et une bonté…qui n’exclut personne. Donc, Dieu ne peut pas être emprisonné dans les limites de nos raisonnements. Nous ne devons pas non plus lui en vouloir, parce qu’il est bon. Nous sommes appelés, nous aussi, à passer par ce combat intérieur pour guérir de nos blessures intimes, qui nous empêchent de sortir de nous-mêmes, d’ajuster nos pensées à celles de Dieu et participer ainsi au festin et à la vie qu’il prépare pour tous ses enfants. Non seulement pour nous, mais pour les autres aussi. Nous ne pourrons pas être heureux en nous comparant aux autres, en regrettant d’être ceci ou cela, de ne pas être ceci ou cela. Se comparer, c’est entrer dans une spirale de rivalités, d’inquiétudes et de manque de paix intérieure. Au contraire, si on fixe son cœur sur Dieu, on verra mieux ce qu’il nous a donné ou nous comprendrons mieux que la part d’héritage qu’il nous a laissée est celle qui nous convient le mieux et nous trouverons alors la paix, parce que cela sera garanti par son amour.
Wenceslas Mungimur
Saint-Laurent/Virton