Il est difficile de comprendre ce que dit Jésus si l’on ne tient pas compte de la cohérence et du contexte de l’Évangile. Ici, Jésus n’adresse pas les propos qu’on vient d’entendre, aux foules qu’il rejoint, mais à ceux qui ont décidé de le suivre. Ils sont « disciples » ; Jésus les instruit. Il en appelle à leur libre décision : « si quelqu’un veut être mon disciple… » Il leur apprend le sens du mot « croix ». Pour qu’ils comprennent, il leur faudra attendre un certain vendredi pour St Jean ou le dimanche suivant pour les autres…Oui ! Ils comprendront lors de sa résurrection ! Le regard du disciple Jean dans le tombeau vide a été comme un éblouissement dont il a tenu à témoigner : « Celui-là a vu et ce qu’il dit est vrai ! » Quant aux autres c’est en touchant les plaies « dans les mains et le côté » qu’ils retrouvent la joie de vivre : « ils furent remplis de joie. »

Mais avant d’en arriver là, les disciples ont dû faire un long chemin pour comprendre vraiment qui était Jésus et quelle était sa vraie mission. Pierre, par exemple, depuis qu’il avait laissé sa barque et ses filets, avait été témoin de tant de miracles accomplis par Jésus ! Il avait vu des milliers d’hommes et de femmes se rassembler autour du Maître. ..La tempête apaisée, la multiplication des pains, les guérisons multiples lui laissaient entrevoir un avenir grandiose . Pierre s’imaginait probablement que le règne de Dieu allait s’étendre et qu’il verrait le monde entier suivre Celui dont il était le disciple. Il entrevoyait un succès immense se profiler à l’horizon. Certes, cette réussite n’était pas la sienne, mais celle de Jésus, qu’il reconnaît comme le Messie, le Fils de Dieu. Toutefois, il ne se doutait pas qu’il aurait sa place dans le Royaume à venir, et une bonne place… Le Christ l’avait choisi avant les autres ; le Christ venait de le distinguer parmi tous les autres. C’est en ces jours où l’influence de Jésus va grandissante, au moment où des foules de plus en plus importantes se rassemblent autour de lui, que Jésus commence à montrer à ses disciples qu’il lui faudra aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué et le troisième jour ressusciter. Pierre était prêt à suivre un Messie dans la gloire, mais il refuse totalement que l’avenir passe par la souffrance, le rejet, l’incompréhension et la mort. Jésus a beau annoncer sa résurrection, Pierre ne l’entend même pas. Il refuse que le Maître devienne l’esclave de tous et subisse un échec total. Il ne peut pas accepter que le prestige du Christ s’écroule. Prenant Jésus à part, Pierre se mit à lui faire des reproches. Il ne comprend pas pourquoi Jésus parle de tous ces malheurs. Alors Jésus le traite comme étant un obstacle sur sa route

Pierre passe de la foi vive au refus et aux reproches lorsque le Messie devient l’homme des douleurs. Ainsi en est-il de nous. Nous sommes prêts à vivre dans une Eglise où les foules se rassemblent pour louer Dieu. Nous sommes prêts à être membres d’une Eglise qui manifeste sa grandeur.

Nous aimons bâtir des cathédrales de pierre, mais aussi des édifices spirituels somptueux ; nous aimons réunir des assemblées imposantes, appartenir à des mouvements qui ont du succès et qui attirent beaucoup de monde.

Jésus ne nous le reproche pas, il l’a fait lui-même lorsque les foules s’assemblaient autour de lui. Mais il nous dit aussi qu’il faudra, comme lui, passer par la Croix. Lorsque Jésus commence à nous montrer qu’il en va de son Eglise comme de lui-même et qu’il faudra souffrir, abandonner tout signe visible et tout prestige, qu’il faudra passer par la mort pour ressusciter, alors, comme Pierre, nous nous révoltons et nous nous butons. Nous sommes prêts à être membres d’une Eglise glorieuse, mais pas à vivre dans une Eglise pauvre, incomprise, méconnue, sans grandeur, voire méprisée. Et Jésus, se retournant, dit à chacun de nous : « Passe derrière moi, Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes, tu es un obstacle sur ma route. »

Que le Christ vienne habiter nos vies, que nous soyons imprégnés de lui, de sa présence, de sa lumière, pour que nous sachions que toutes les épreuves que nous traversons, toutes les tentations qui nous assaillent, sous forme de croix, n’ont pas le dernier mot, ni la victoire. Au-delà même de toutes nos envies de grandeur ou de fastes, la vraie victoire est de son côté et elle se trouve au fond de nos cœurs lorsque nous nous approchons de lui Qu’il nous éclaire, pour que nous sachions être heureux de le suivre, quoi qu’il arrive, pour partager sa joie et sa gloire et la transmettre à nos frères et sœurs. Wenceslas Mungimur Saint Laurent-Virton.