Avec son message radical sur la société de son époque, surtout vis-à-vis des responsables politiques et religieux, Jean-Baptiste s’est attiré beaucoup d’ennuis et d’ennemis. Il a même osé toucher au Roi Hérode, à qui il reproche de s’être uni avec Hérodiade, la veuve de son frère. Il en paie les conséquences : il est arrêté par Hérode et emprisonné. De sa prison, il s’interroge sur celui qu’il a vu dans la foule des candidats au baptême et qu’il a reconnu et présenté aux gens comme l’Agneau de Dieu. Il en entend parler de sa prison et envoie ses disciples auprès de Jésus pour vérifier s’il est bien Celui qui doit venir ou d’un autre. Pourquoi se pose-t-il de telles questions ? Hésite-t-il, doute-t-il ? Et ses disciples, ainsi que tous ceux qui accouraient vers lui et le prenaient même pour le Messie, que pensent-ils ? Quelle considération peuvent-ils encore avoir pour Jean-Baptiste ?

On peut dire que Jean-Baptiste lui-même vit un tournant par lequel il est appelé à changer la vision de sa mission. C’est une approche distincte qui s’ouvre à lui. Une période différente de celle pendant laquelle il annonçait la venue du Messie en demandant de s’y préparer. Il est maintenant amené à le reconnaître présent parmi eux. Pourtant il devrait savoir que rien n’a changé par rapport à sa vocation, même s’il est remis en question, arrêté et emprisonné. Le Messie est bien là. Il est à l’œuvre et il s’agit bel et bien de celui dont il a annoncé la venue. Comme réponse, Jésus renvoie ses disciples lui dire ce qu’ils voient et observent : les actes et les signes prodigieux qu’il accomplit. Comme Jean-Baptiste lui-même n’a pas douté de sa mission, il est bel et bien le précurseur, un grand prophète, comme en témoigne Jésus. Toutefois il doit reconnaître et accepter sa réalité et ses fragilités humaines et s’en remettre à la divinité et à la supériorité de Celui qui vient après lui. Lui, le plus petit, qui, comme il le dit, n’est que le précurseur qui annonce la venue du Messie et n’est pas digne de dénouer ses sandales.

Jésus invite son précurseur à entrer dans cette logique, celle de Dieu, et à changer son regard sur les réalités nouvelles. Un regard intérieur, profond, pour reconnaître et contempler les merveilles de Dieu. Un autre regard qui lui permette de comprendre combien Dieu ne veut que le bonheur de l’homme et combat toutes les formes de misère. Il ne veut pas le malheur de ses enfants, représentés ici par les aveugles, les sourds, les boiteux, les lépreux, les pauvres, les morts. Dieu en prend tout particulièrement soin, parce que derrière ces fragilités se cache la mort qui combat la vie. Or le Fils est venu pour apporter et célébrer la victoire de la vie sur la mort.

À nous aussi, il est demandé, en ce temps de l’Avent, de changer notre regard en profondeur, c’est-à-dire de nous convertir pour reconnaître le Messie parmi nous, ainsi que toutes les merveilles qui témoignent de sa présence. Peu importe notre situation, nos grandeurs, nos gloires, nos faiblesses ou toutes les épreuves par lesquelles nous passons, qui nous font douter de cette présence dans notre monde, nous avons toutes et tous besoin d’un changement de regard pour nous convaincre de sa présence, de son amour et de sa force afin de garder en nous l’espérance et la foi en sa Parole.